Rencontre avec Edgar Perriau, Energy Manager chez advizeo
Les collectivités sont en première ligne face à la crise énergétique et aux défis réglementaires (décret tertiaire, plan de sobriété). Depuis 2 mois, Transition2050 rencontre des acteurs qui accompagnent les collectivités pour mieux comprendre les enjeux actuels et détailler les solutions concrètes qui s’offrent à ces dernières.
Après les retours d’expérience de l’ALEC de Grand Paris Seine Ouest puis de l’ALEC de l’Ain, retrouvez notre échange avec Edgar Perriau, Energy Manager chez advizeo.
Pouvez-vous nous présenter votre métier ?
En tant qu’energy manager, mon métier consiste à faire économiser de l’énergie aux clients que j’accompagne.
Concrètement, je m'appuie sur une plateforme de management de l'énergie pour analyser les données énergétiques des bâtiments. Lorsque c'est nécessaire, je me déplace sur le terrain pour réaliser des audits. Cela me permet de définir des actions d’économie d’énergie. Ensuite, en fonction des priorités et des enjeux des collectivités, nous définissons ensemble un calendrier de mise en place de ces actions. Puis je les mets en œuvre en coordination avec les partenaires sur le terrain et vérifie qu’elles correspondent à la stratégie de la collectivité.
De votre expérience, où en sont les collectivités dans la réponse au décret tertiaire ?
Le 31 décembre 2022 est l’échéance la plus pressante du Dispositif Eco-énergie Tertiaire (DEET) et concerne la déclaration des Entités Fonctionnelles Assujetties (EFA) ainsi que des consommations de référence sur la plateforme OPERAT de l’ADEME.
Malgré le délai de 3 mois accordé par les législateurs, toutes les collectivités n’auront pas déclaré leurs données consolidées et optimisées au 31 décembre. En cause, le manque d’accompagnement pour certaines collectivités, notamment au niveau de la définition des EFA sur les bâtiments complexes.
Le choix des années de référence est une autre problématique rencontrée par les collectivités. Malgré l’importance que ce choix revêt dans l’atteinte des objectifs de performance, certaines références choisies par les collectivités ne sont pas optimisées. Pour rappel, l’année de référence sert de base pour analyser l’évolution de la performance et vérifier l’atteinte des objectifs réglementaires. Ainsi, il est recommandé de choisir l’année la plus consommatrice depuis 2010 (12 mois glissants).
Pour autant, que les collectivités soient rassurées, ces déclarations ne sont pas totalement figées à fin 2022. Il sera encore possible de modifier l’année de référence déclarée sur la plateforme en 2023.
Avec le plan de sobriété annoncé en parallèle, quels sont les nouveaux défis pour les collectivités ?
Le plan de sobriété exige des économies bien plus rapides que le DEET. En effet, les collectivités avaient commencé à planifier des plans de travaux pour dégager des économies d’énergies à moyen terme. Le plan de sobriété vient contraindre cette planification avec un objectif de 10% d’économies à réaliser pour 2024. Ainsi, elles doivent dans un premier temps s’appuyer sur l’Energy Management qui leur permettra d’effectuer des économies sans investissement lourd, tout en poursuivant la mise en œuvre de leurs actions à moyen terme pour anticiper l’objectif de 2030. Pour répondre au plan de sobriété, des budgets supplémentaires pourraient être nécessaires dans les prochains mois.
Enfin, le suivi des économies représente un défi : il s’agit de vérifier que les actions mises en place sont bien efficaces et correspondent aux prévisions. Cette étape est primordiale et l’utilisation d’une plateforme de management de l’énergie couplée à l’expertise d’un Energy Manager certifié au protocole IPMVP s’avère bien souvent indispensable.
Quelles sont les plus grandes difficultés rencontrées par les collectivités ?
Les régions, départements et certaines villes ont des energy managers internes ou le soutien d’ALEC, qui leur permettent d’avoir une vision sur la démarche à suivre pour atteindre les objectifs fixés par l’État. En revanche, les plus petites collectivités qui ne bénéficient pas de ces moyens peuvent avoir du mal à définir seules une stratégie de sobriété et atteindre les objectifs réglementaires.
Au sein des plus grandes collectivités, les difficultés rencontrées sont d’ordre organisationnelle et liées notamment à l’allocation de budgets. Les échéances réglementaires et la hausse des prix de l’énergie devraient accélérer ces processus ; les économies d’énergie devenant aujourd’hui un sujet stratégique.
Pour aider les collectivités dans leurs démarches, quelles sont les 3 mesures de réduction des consommations que vous recommandez ?
Souvent, les mesures d’économies d’énergie auxquelles on pense sont celles qui ont le retour sur investissement le plus long (changement de chaudière, isolation…). C’est pourquoi je propose dans un premier temps la réalisation d’actions dont les retours sur investissement sont rapides ou moyens. Cela permet de générer de la trésorerie chez les collectivités, pour investir sur de plus gros travaux par la suite.
Ci-après 3 exemples d’actions que j’ai conseillées à des collectivités et mis en œuvre :
Pour les collectivités, l’éclairage public est très énergivore (37% des dépenses d’électricité). Sa programmation au plus juste voire son extinction sont des actions pertinentes à mettre en place.
Techniquement, pour gérer parfaitement l’éclairage public, il faut mettre en place une horloge (programmer par exemple 17h-22h puis 5h-8h) et un capteur crépusculaire sur chaque départ électrique. Cette mesure permet de faire jusqu’à 60% d’économies. Et, si cette mesure est combinée avec un remplacement de la technologie de l’éclairage par des LED, les collectivités peuvent espérer jusqu’à 80% d’économies d’énergie. Pour une collectivité locale, cela représente donc 30% de gains ! À noter que l’extinction de l’éclairage de nuit après 22h n’est pas forcément difficile à mettre en place car 72% des Français approuvent cette démarche.
Toujours dans l’éclairage, je remarque que les grandes zones communes (gymnases, médiathèques) ou même les couloirs sont éclairés par un seul circuit via un interrupteur. Cela signifie qu’on allume toutes les lampes de la zone dès qu’on a un besoin d’éclairage. Or les besoins d’éclairage varient pendant la journée ou selon l’usage (match vs entrainement dans le cas d’un gymnase par exemple). Dans l’idéal, il faut séparer ces circuits en plusieurs circuits différenciés. Si on sépare en deux circuits, nous aurions par exemple un circuit qui concerne 50% des éclairages, allumés via un interrupteur, et le reste des lampes seraient allumées manuellement, sur un capteur crépusculaire ou via un interrupteur à clé. Sur des gymnases, cela peut faire gagner jusqu’à 50% sur les consommations d’électricité liées à l’éclairage.
Enfin, systématiquement dans l’ensemble des bâtiments que je visite, il est question d’achat de climatiseurs pour le confort d’été. Il est important de comprendre que l’ajout d’un usage comme celui-ci, ou l’utilisation d’appareils d’appoint (climatisation/chauffage) a un effet catastrophique sur les consommations et que l’atteinte des objectifs réglementaires sera d’autant plus difficile. Il est donc primordial de fournir un effort de sensibilisation et d’éducation sur cet aspect auprès des personnels des collectivités.